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Page:Spenlé - Novalis.djvu/68

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NOVALIS

les « Années d’apprentissage de Wilhelm Meister », qui venaient de paraître. Mais, en novembre de la même année, Sophie une première fois tomba malade : une inflammation aiguë du foie accompagnée de fièvre et de délire fit craindre pour ses jours. Ce nuage sombre se dissipa du reste rapidement. Après quelques semaines, le père adoptif de la jeune convalescente rédigeait un bulletin en ces termes optimistes : « Sophie danse, saute, chante ; elle ira à la foire de Greussen. Elle mange et boit bien, dort comme une marmotte, est joyeuse et alerte, a congédié médecine et petit-lait et pour le reste se porte comme un poisson dans l’eau ». Au printemps suivant (1796) les fiançailles devinrent officielles. En même temps Novalis rentrait à Weissenfels comme assesseur aux Salines, où il pensait un jour succéder à son père dans les fonctions de directeur, et cherchait dès à présent à s’assurer des ressources que rendaient indispensables le manque de fortune de sa fiancée et l’exiguïté de son propre patrimoine. Mais voici que se précipitent les événements les plus alarmants.

C’est d’abord Érasme, le premier atteint de la tuberculose, qui s’alite après une chute de cheval pour ne plus se relever. Puis Sophie traverse de nouvelles crises et subit une série d’opérations chirurgicales aussi douloureuses qu’inutiles. Par une contradiction bien naturelle au cœur humain, Novalis s’attache de nouveau d’autant plus passionnément à l’objet de son amour que celui-ci est plus près de lui être arraché. Brutalement l’oncle de Lucklum, qui avait vu d’un mauvais œil toute l’idylle, présentait à son neveu la situation dans son vrai jour. Froissé dans ses sentiments les plus délicats, Novalis ne pardonna jamais au Grand Croix son importune intervention. Déjà il s’accoutumait, dans le désarroi de tout son être, à des représentations forcenées, à des idées chimériques et folles. Ici encore le piétisme avec ses croyances au surnaturel donnait aux imaginations ardentes un aliment plein de charmes et de dangers. Le jeune exalté se plongea dans la lecture de Lavater, le