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Page:Spenlé - Novalis.djvu/91

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UN SUICIDE PHILOSOPHIQUE

le sens particulier que prendra de plus en plus le suicide philosophique chez Novalis.[1] Le génie sera défini par lui la faculté de percevoir ce qui est occulte, invisible, d’entrer en rapport avec les esprits transmondains, d’évoquer un monde surnaturel et magique, de vivre dès à présent sur un plan de vie plus élevé, plus « évolué » que celui de la vie et de la conscience communes. Les « Hymnes à la Nuit » sont un premier effort pour entrer dans ce monde supérieur : c’est ce qui en fait, au point de vue psychologique, la valeur documentaire.

LES HYMNES À LA NUIT


La date où fut composée cette œuvre demeure indécise. Une courte mention, en janvier 1800, dans une lettre où Novalis annonce à ses correspondants berlinois l’envoi d’un long poème, c’est tout, ce qu’on peut découvrir dans une correspondance où le poète n’est pour l’ordinaire pas avare de confidences littéraires. Le manuscrit definitif, s’il faut en croire le plus récent éditeur, ne peut guère avoir été rédigé avant l’année 1799. Mais ce manuscrit d’une écriture rapide, chargée de très peu de corrections, pourrait n’être que la transcription de fragments antérieurement composés.[2] Une lecture attentive du texte confirme cette hypo-

  1. C’est à une éducation morale de son caractère et surtout de ses facultés de vision mystique que Novalis, dés le début, voulut faire servir le deuil qui l’avait frappé. Ainsi seulement peut s’expliquer le passage de son Journal où il constate que « la méthode lui donne encore beaucoup de mal (N. S. I, p. 275). Il s’entretient longuement avec une sœur de Sophie « des facultés divinatoires » (N. S. I, p. 276). À Frédéric Schlegel, qui lui avait envoyé la traduction de Roméo et Juliette, il écrit : « Il se pourrait que Shakespeare développât des facultés divinatoires ». Raich, op. cit., p. 34) etc.
  2. Heilborn, op. cit., p. 117. Tout en assignant à la rédaction définitive des Hymnes la date de 1799 cet auteur ne rejette nullement l’hypothèse d’une rédaction fragmentaire antérieure. Elle lui paraît même tout à fait plausible. En effet parmi les fragments sur la physique publiés par le physicien Ritter, et qui furent écrits en collaboration avec Novalis, se trouve le fragment en prose d’un hymne à la Nuit qui semble bien être de la plume de