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Page:Spenlé - Novalis.djvu/92

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NOVALIS

thèse. Il semble qu’on soit en présence de plusieurs fragments juxtaposés plutôt que reliés organiquement. Le fil de la pensée se brise à divers endroits ; l’inspiration procède par poussées successives plutôt que par un développement continu. Du reste la forme même trahit les hésitations et les tâtonnements d’un auteur qui n’est pas encore entièrement maître de son instrument poétique.

Une partie en effet, celle qui reproduit le plus fidèlement les événements rapportés dans le Journal de l’année 1797, (le troisième hymne en entier et le début du quatrième), est écrite en prose rythmée. Ce fut sans doute le noyau primitif autour duquel sont venus s’amalgamer les développements ultérieurs. De cette prose rythmée on voit en effet se dégager peu à peu une forme lyrique différente : le vers libre. Précisément dans une lettre, adressée à Guillaume Schlegel et datée de janvier 1798, Novalis fait son procès à la prose poétique qui lui paraît un genre factice, trop orné et trop oratoire, et il rêve une poésie plus fluide, limpide, sans règles fixes, infiniment souple et malléable. « La poésie », dit-il, « semble ici se relâcher de ses exigences, devenir plus docile et plus souple. Mais celui qui tentera l’expérience dans ce genre s’apercevra bien vite combien cela est difficile à réaliser sous cette forme. Cette poésie plus large (diese erweiterte Poésie) est précisément le problème le plus élevé du compositeur poète, un problème qui ne peut être résolu que par approximation et qui est déjà du domaine de la poésie supérieure… Ici s’ouvre un champ illimité, un domaine vraiment infini. On pourrait appeler cette poésie supérieure : la poésie de l’Infini. »[1] Il est malaisé de tirer une notion bien claire de cette déclaration obscure de principes, Cependant il est peu vraisemblable que l’auteur se soit plus tard encore servi d’une

    Novalis. Peut-être, observe M. Heilborn, plusieurs esquisses du même genre, nées d’une inspiration momentanée, ont-elles constitué par cristallisation les Hymnes à la Nuit » p. 135.

  1. Raich, op. cit., p. 56 et suiv.