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Page:Spenlé - Novalis.djvu/94

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NOVALIS

jeune disciple les règles pratiques et la technique de son art, semble faire allusion à une œuvre, où l’écrivain encore novice, aurait tenté du premier coup d’exprimer son âme tout entière et d’atteindre aux hauteurs les plus sublimes de la poésie. « Il y a, dit Klingsohr, pour les forces humaines réunies une limite précise, où s’arrête le pouvoir plastique, au delà de laquelle la représentation ne peut garder la consistance ni la plasticité indispensables et se perd inévitablement en une vaine et décevante fantasmagorie. Surtout un novice ne saurait assez se prémunir contre de pareils excès, car une imagination exaltée n’est que trop attirée pur ces limites et s’efforce présomptueusement de saisir et d’exprimer ce qui est insaisissable aux sens et excède toute mesure. » Ne dirait-on pas une critique, que Novalis, mieux averti, aurait portée sur ses prémices poétiques ? Assurément cette critique ne peut s’appliquer à ses premières poésies de jeunesse, que nous avons vues si insignifiantes, si futiles, par le fond et si peu originales par la forme, mais uniquement aux Hymnes à la Nuit, où précisément il s’est proposé la tâche impossible, semble-t-il, d’exprimer l’inexprimable, de décrire ou du moins d’évoquer par des mots, des sons, c’est-à-dire par les éléments empruntés au monde des sens et de la lumière, ce qui échappe à toute représentation, ce qui en est pour les esprits non mystiques la négation même, « la sainte, l’inexprimable, la mystérieuse Nuit » ?

Il y a du reste des témoignages plus directs et plus précis encore. Dans une lettre de Berlin, datée il est vrai de 1799, mais qui fait manifestement allusion à des événements bien antérieurs et dont le souvenir est déjà presque effacé, Frédéric Schlegel se rappelle avoir eu sous les yeux les « papiers » de son ami et y avoir découvert « les indications splendides d’une nouvelle poésie et d’une nouvelle religion de la mort. » Il ajoute : « Peut-être es-tu le premier homme de notre époque qui ait le sentiment artistique de la mort et il engage vivement son correspondant à creuser et à ex-