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Page:Spenlé - Novalis.djvu/93

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UN SUICIDE PHILOSOPHIQUE

forme lyrique que condamnait sa conscience d’artiste — la prose rythmée — et surtout il semble qu’il ait déjà lui-même exploré le domaine de cette poésie « nouvelle » et en ait éprouvé, par sa propre expérience, les difficultés. Tout au moins la formule générale qu’il en esquisse, ainsi que les revendications en faveur d’une prosodie très libre, très voisine de la prose, s’appliqueraient assez bien à la majeure partie des Hymnes à la Nuit, à en juger par le texte tel qu’il a été établi récemment, d’après le manuscrit original de l’auteur.

Enfin parmi les vers libres on voit poindre bientôt une troisième forme prosodique, d’une facture plus classique et plus régulière. Ce sont des fragments rimés, d’abord fondus dans le texte, mais qui s’en dégagent peu à peu et prennent un développement plus ample et plus indépendant. Sous forme de strophes ils finissent même par supplanter entièrement le vers libre, en sorte que le dernier hymne, aussi bien par sa prosodie que par son contenu, semble être déjà une introduction aux « Hymnes spirituelles », composées en l’an 1799. À cette dernière forme prosodique Novalis s’est définitivement arrêté. Le vers libre n’est qu’un épisode dans la prosodie du poète romantique. Novalis a-t-il même renié dans la suite cette première tentative ? Toujours est-il que dans le texte imprimé des Hymnes à la Nuit, tel que l’apporta l’Athenæum en l’année 1800, les vers libres se trouvaient de nouveau convertis en prose. Il faut dire d’ailleurs qu’entre ces deux formes il n’y a souvent que l’épaisseur d’un préjugé ou d’un artifice typographique.

Si l’examen de la forme poétique nous porte à croire que la composition des Hymnes à la Nuit ne s’est pas faite d’un seul jet, et nous fait pressentir les tâtonnements d’un débutant encore indécis, d’autres témoignages viennent confirmer du dehors ces présomptions. Et d’abord le témoignage de Novalis lui-même. Telle page de Henri d’Ofterdingen, celle particulièrement où le poète Klingsohr enseigne à son