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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/263

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DELPHINE.

pour essayer de les réchauffer ; ses beaux cheveux blonds, s’étant détachés, tombaient en désordre… Dans ce moment, j’entendis ouvrir deux portes avec une violence remarquable dans une maison où les plus grandes précautions étaient prises contre le moindre bruit qui pût agiter madame de Vernon. Un pas précipité frappe mon oreille : je me lève, et je vois entrer Léonce, une lettre à la main (c’était celle de madame de Vernon, qui contenait l’aveu de sa conduite). Il était tremblant de colère, pâle de froid ; tout son extérieur annonçait qu’il venait de faire un long voyage : en effet, depuis sept jours et sept nuits, par les glaces de l’hiver, il était venu de Madrid sans s’arrêter un moment ; il était entré dans la maison de madame de Vernon sans parler à personne, et comme enivré d’agitation et de souffrances physiques et morales.

Delphine tourna la tête, jeta un cri en voyant Léonce, étendit les bras vers lui sans savoir ce qu’elle faisait ; ce mouvement et l’altération des traits de Delphine achevèrent de déranger presque entièrement la raison de Léonce ; et prenant vivement le bras de Delphine, comme pour l’entraîner : « Que faites-vous, s’écria-t-il en s’adressant à madame de Vernon (dont il ne pouvait voir le visage, parce qu’un rideau à demi tiré devant sa chaise longue la cachait), que faites-vous de cette pauvre infortunée ? quelle nouvelle perfidie employez-vous contre elle ? Cette lettre que vous m’avez adressée en Espagne, le courrier qui la portait me l’a remise comme j’arrivais, comme je venais m’éclaircir enfin du doute affreux que le silence de Delphine et la lettre d’un ami faisaient peser sur moi : la voilà, cette lettre ; elle contient le récit de vos barbares mensonges. Je ne devais, disiez-vous, la recevoir qu’après le départ de Delphine : était-ce encore une ruse pour empêcher mon retour ici, pour faire tomber dans quelque piège, en mon absence, la malheureuse Delphine ? — Léonce, dit madame d’Albémar, que vous êtes injuste et cruel ! madame de Vernon est mourante, ne le savez-vous donc pas ? — Mourante ! répéta Léonce ; non, je ne le crois pas ; le feint-elle pour vous attendrir ? vous laisserez-vous encore tromper par sa détestable adresse ? Quoi, Delphine ! vous m’aviez écrit que je devais en croire madame de Vernon, et elle s’est servie de cette preuve même de votre confiance pour me convaincre que vous aimiez M. de Serbellane, tandis que, victime généreuse, vous vous étiez sacrifiée à la réputation de madame d’Ervins ! et vous, Delphine, et vous qui me jugiez instruit de la vérité, vous avez dû penser que j’étais le plus faible, le plus ingrat, le plus insensible des hommes ; que je