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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/440

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QUATRIÈME PARTIE.

profondément malheureux. Hélas ! il n’est que trop vrai que nous le sommes ! mais ce que j’ignorais alors, c’est que le défaut même dont je me plains a je ne sais quel attrait qui donne à mon sentiment de nouvelles forces. Un caractère ombrageux et susceptible vous occupe sans cesse par la crainte de lui déplaire. Vous attachez chaque jour plus de prix à satisfaire un homme si délicat sur la réputation et l’honneur. Enfin, quand des défauts qui appartiennent à l’exagération même de la fierté ne détachent pas de ce qu’on aime, ils sont un lien de plus, et l’agitation qu’ils causent donne aux affections passionnées une nouvelle ardeur. Chère Élise, venez me voir, venez avec votre mari ; sa conversation me rend le courage que la parfaite raison sait toujours inspirer.

LETTRE XXIII. — DELPHINE À MADAME DE LEBENSEI.
Paris, ce 4 octobre.

Samedi dernier, deux heures après votre départ, ma chère Élise, il est arrivé à ma belle-sœur une lettre de M. de Valorbe, datée de Moulins, où son régiment est en garnison. Il lui annonce qu’il a fait son voyage heureusement ; il rappelle indirectement les droits qu’il croit avoir acquis sur mon dévouement ; mais il ne paraît pas avoir la moindre connaissance de ce qui a été dit à Paris relativement à lui ; j’espère qu’il ne le saura point, et que les soins que Léonce a pris pour le justifier auront réussi ; c’est une telle autorité que Léonce quand il s’agit de la bravoure d’un homme, que peut-être elle aura suffi pour défendre l’honneur de M. de Valorbe.

J’ai fait hier enfin, ma chère Élise, le cercle des visites dont vous m’aviez recommandé de vous mander le résultat. Heureusement que je n’ai pas trouvé toutes les femmes que j’allais voir ; celles qui ne sont que mes connaissances m’ont paru, à quelques nuances près, les mêmes pour moi, je ne leur demandais rien ; mais quand j’ai voulu prier une ou deux femmes avec qui j’étais plus liée, d’expliquer la vérité, de repousser la calomnie dont j’avais été l’objet, elles se sont crues des personnes en place à qui l’on demande une grâce, et elles m’ont montré toute l’importance, toute la réserve, toute la froideur de la puissance envers la prière. Je me suis hâtée de leur dire que je renonçais à ce que je leur demandais, et leur visage s’est un