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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/115

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bitaient des Vouaségouhha, d’où résultait une grande abondance de gibier. Dès le point du jour, des zèbres, des caamas, des coudous[1] et d’autres antilopes, sortaient des fourrés, et venaient pâturer en lieu découvert. Le soir la cynhyène quittait sa retraite, jetait ses hideuses clameurs et se mettait à la recherche d’une proie endormie, homme ou bête.

Le sol fangeux de ces savanes, d’une ténacité singulière, rendait la marche horriblement fatigante : dix heures pour faire dix milles.

Un khambi fut établi dans ce désert. Il était près de minuit quand la charrette, accompagnée de quatre hommes exténués, y arriva. Bombay était avec eux et me raconta qu’ayant déposé sa charge, pour aider à retirer la voiture d’un bourbier, on la lui avait prise. Outre ses deux uniformes, ses chemises, sa cognée, son pistolet, ses munitions, sa charge contenait de l’étoffe, des grains de verre, une de nos tentes et une forte hache américaine. L’annonce de cette perte, en pleine nuit, après une journée pénible, m’exaspéra. Dans ma colère, je reprochai à Bombay toutes ses fautes : la chèvre qu’il avait perdue à Mouhalleh, la désertion de Khamisi, qui n’aurait pas eu lieu s’il avait été plus actif, sa négligence à l’égard des ânes, que souvent il laissait enfermer sans qu’on les eût fait boire ; son amour pour le feu, ses grasses matinées, et cette charge perdue : l’étoffe, la poudre, le pistolet, son oubli de mon cuisinier, pauvre garçon qu’il aurait dû ramener, sachant bien que je ne voulais pas que le malheureux allât se faire tuer par les Vouashenzi. Enfin je lui déclarai, que, puisqu’il n’était pas capable de les remplir, ses fonctions de capitaine seraient données à Mabrouki-Burton, qui valait à lui seul une douzaine de Bombays. Sur ce, je le congédiai, en lui ordonnant de se mettre, dès le lever du soleil, en quête des objets perdus.

Le lendemain était jour de halte. Tandis que Bombay allait à la recherche de son ballot, j’envoyai trois soldats à Simbamouenni avec ordre de s’informer du cuisinier, de le ramener s’ils le re-

  1. Coudou ou condoma, tragélaphe strepsicère, grande antilope, ayant à peu près la taille du caama : de sept à neuf pieds de longueur, de quatre à cinq pieds au garrot (mesure anglaise), mais bien plus élégante que l’autre. Armé de cornes puissantes de trois pieds en ligne droite, cornes à trois courbures en spirale, couchées sur le dos, quand la bête, qui est amie des fourrés, court sous bois. « D’un port majestueux, d’une robe superbe, dit le capitaine Harris, en peut nommer le coudou le roi de sa tribu. » Même récit de ta part de Cumming, de Baldwin, d’Osweld, etc. qui, tour à tour, ont donné la palme à l’oryx et au blackbuck (égocère noir), mais sans affaiblir leur témoignage de la beauté du coudou. (Note du traducteur.)