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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/249

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leur avait crié : « Allons à sa rencontre ! Armez-vous et partons ! » Ses amis lui avaient, au contraire, fortement conseillé de ne pas sortir, lui disant, avec raison, que derrière leurs murailles ils n’avaient rien à redouter. Mais il avait répondu violemment : « Rester dans nos murs par crainte de ce païen ! Qui vient avec moi ? »

Le petit Khamis, son protégé, l’enfant d’un ami qui n’était plus, demanda la permission de le suivre en qualité de servant d’armes ; Mohammed ben Abdallah, Ibrahim ben Raschid et Séif ben Ali, jeunes arabes de bonne famille, qui étaient fiers de vivre sous le toit du noble Khamis, offrirent de l’accompagner.

Il arma à la hâte quatre-vingts esclaves ; et sans écouter les prudents amis qui insistaient pour le retenir, il sortit et fut promptement vis-à-vis de Mirambo. Celui-ci, non moins rusé qu’audacieux, voyant arriver les Arabes, donna l’ordre à ses troupes de se retirer lentement. Khamis, trompé par cette manœuvre, entraîna les siens à la poursuite de l’ennemi. Tout à coup, faisant volte-face, Mirambo jeta ses bandes, en un seul corps, sur le petit groupe qui arrivait.

À ce retour imprévu, les gens de Khamis prirent la fuite, sans même regarder en arrière. Les sauvages entourèrent les Arabes. Khamis, qui marchait le premier, reçut une balle dans la jambe et tomba sur les genoux ; il s’aperçut alors de la désertion de ses esclaves. Malgré sa blessure il continua de tirer ; mais bientôt une balle lui traversa le cœur. En le voyant tomber, le petit Khamis s’écria : « Mon père adoptif est mort, je veux mourir avec lui. » Il se battit en désespéré et ne tarda pas à recevoir le coup mortel. Quelques minutes après, des cinq Arabes pas un n’était vivant.

Dans la soirée nous avons eu d’autres détails. J’ai su par des gens, qui ont vu les cadavres, que celui de Khamis, qui était un homme d’une beauté majestueuse, a eu la peau du front et celle du bas de la figure enlevée, ainsi que la barbe. On y a pris également la partie saillante du nez, la graisse qui couvrait l’estomac et l’abdomen, les parties sexuelles et un morceau de chaque talon. Les corps des autres Arabes ont été mis dans le même état.

Ces mutilations, pratiquées par les sauvages alliés de Mirambo, sont naturellement le fait des Vouaganga ou magiciens, qui, avec les morceaux de chair qu’ils se procurent ainsi, composent une drogue puissante destinée aux guerriers. On met dans le potage ou dans le riz une certaine dose de cette potion magique, et, prise de la sorte avec une foi profonde, elle persuade à ceux qui