Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute réponse, Mionvou me présenta dix de ses bottes de roseaux.

« Autant de bâtons, dit-il, autant de dotis ; c’est pour le roi. » Chaque fagot était de dis brins ; total, cent dis dotis : quatre cents mètres d’étoffe.

Revenu de ma stupéfaction, qui était inexprimable, j’ai offert le dixième.

« Dix dotis au roi de l’Ouhha ! dix dotis ! Vous ne sortirez pas de Loukomo que vous n’ayez tout donné. »

Sans rien répondre, je me suis retiré dans la butte que l’on avait nettoyée pour moi, et j’ai fait venir Bombay, Asmani, Mabrouki et Ckoupéreh, afin de tenir conseil.

« Je me battrai, leur dis-je, et nous passerons. »

Ils furent terrifiés.

« Oh ! maître » pensez-y, ne faites pas la guerre, supplia Bombay. L’Ouhha est un pays de plaine ; on ne peut pas s’y cacher. Tous les villages se lèveront contre nous. Comment se défendre ? Quarante-cinq contre des milliers d’hommes ! Ils nous tueront en quelques minutes ; et si vous mourez, comment gagner l’Oujiji ? Non, cher maître, non ; ne donnez pas votre vie pour un lambeau d’étoffe.

— Mais, Bombay, c’est un vol ! Devons-nous céder à ce gredin ? lui donner tout ce qu’il demande ? nous soumettre à ce pillage ? Après l’étoffe, il prendra mes fusils. Le laisserons-nous faire sans combattre ? Je peux tuer ce Mionvou et ses notables ; vous vous chargerez de ceux qui hurleront ou dehors. Une fois débarrassés du chef et des autres, qui aurons-nous à craindre ? Nous retournerons au Malagarazi et nous irons droit au lac.

— Non, cher maître, non ; c’est impossible. Longer la rivière nous ferait traverser le Lokanda-Mira.

— Eh bien ! nous prendrons au nord.

— Encore plus impossible ; l’Ouhha s’étend loin de ce côté, et, après l’Ouhha, se trouvent les Vouatouta.

— Dites-moi alors ce qu’il faut faire ; car il faut agir et ne pas se laisser dépouiller.

— Donnez à Mionvou ce qu’il demande et partons, maître. C’est pour la dernière fois. Le moutouaré l’affirme : c’est notre dernier tribut ; payez, et dans quatre jours nous serons à Oujiji.

— Mionvou a dit que c’était la dernière taxe ? Vous l’a-t-il assuré ?

— Oui, maître, positivement.