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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/331

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— Voyons, Asmani, faut-il payer ou se battre ?

— J’ai peur qu’il ne nous faille payer, répondit le géant avec son éternel sourire ; mais c’est vraiment la dernière fois.

— Et vous, Choupéreh ?

— Payez, bana ; il vaut mieux s’en aller tranquillement. Si nous étions les plus forts, ce seraient eux qui nous payeraient tribut. Si nous avions seulement deux cents mousquets, ah ! comme tous ces Vouahha fuiraient devant nous !

— Qu’en pensez-vous, Mabrouki ?

— Ah ! maître, cher maître ; c’est bien dur ! Ces gens-là sont de grands voleurs ! Je voudrais leur couper la tête, les hacher tous. Mais vous ferez mieux de payer. C’est la dernière fois ; et qu’est-ce que c’est pour vous que cent dotis ?

— Allez donc, Asmani et Bombay ; offrez-en vingt d’abord. Si Mionvou les refuse, donnez-en trente. S’il le faut, ajoutez-en dix. Prodiguez les paroles ; montez lentement, doti par doti ; mais ne dépassez pas quatre-vingts. S’il en veut davantage, je me battrai, je tuerai Mionvou, je le jure. Partez, et soyez prudents. »

Bref, à neuf heures du soir, j’ai fait porter à Mionvou ce qui avait été convenu : soixante-quatre dotis pour le roi, six pour lui-même et cinq pour ses subordonnés. Total, soixante-quinze doubles choukkas, trois cents mètres d’étoffe, un ballot tout entier et le quart d’un autre.

À peine la livraison a-t-elle été faite, que ces rapaces se sont querellés au sujet du butin. J’ai espéré qu’ils se battraient, et que cette lutte, me fournissant un bon motif pour les quitter, je pourrais me jeter au sud, et me diriger tranquillement vers l’ouest, sous le couvert protecteur des jungles. Mais non ; le combat n’était qu’en paroles ; une guerre verbeuse, n’aboutissant qu’à de bruyantes clameurs.

6 novembre. Au point du jour, nous étions en marche, tristes et silencieux. Notre stock de cotonnade avait reçu là un terrible échec. Il nous restait encore neuf ballots ; ce qui, joint à nos grains de verre, était suffisant, en y mettant de l’économie, pour nous conduire jusqu’à l’Atlantique ; mais pour peu qu’un certain nombre de Mionvous se trouvassent sur notre chemin, nous n’aurions pas de quoi atteindre l’Oujiji. Si près que nous en fussions, Livingstone me paraissait aussi loin que jamais.

Nous avons passé le Pomboué et pris à travers une plaine mollement onduleuse, qui, à notre droite, s’élevait graduellement vers des montagnes, et, à notre gauche, s’inclinait vers la val-