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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/380

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jaquettes élégantes confectionnées avec le tissu de leur pays. Enfin les gens de cette province sont des armuriers des plus habiles, ainsi que le prouve la gravure ci-jointe, où sont représentés leurs dagues et leurs fers de lance.

Ces contrées sont fort riches en ivoire ; et la fièvre qui pousse là-bas les traitants pour y acheter les précieuses défenses est la même que celle qui entraîne en Californie, au Colorado, en Australie, au Cap et en autres lieux, les chercheurs de diamants et de pépites.

Il n’y a pas plus de quatre ans qu’un Arabe a fait cette découverte ; c’était le premier qui fût allé dans le Manyéma ; il en revint avec une telle quantité d’ivoire, et fit un rapport tellement prodigieux du nombre de dents qui s’y trouvaient, que depuis cette époque les anciennes routes du Karagoueh, de l’Ouganda, de l’Oufipa et du Maroungou furent presque abandonnées.

Les gens du pays ne connaissant pas la valeur du précieux article, bâtissaient leurs cases sur des étançons d’ivoire. Les charpentes, les piliers d’ivoire étaient chose commune dans toute la province ; et, à entendre les récits courants, il n’y avait plus à s’étonner du palais d’ivoire de Salomon.

L’arrivée des Arabes avait ouvert les yeux aux naïfs possesseurs de ce trésor ; le prix des défenses s’était rapidement élevé, ce qui n’empêchait pas ces dernières d’être toujours d’un bon marché fabuleux. La livre d’ivoire se payait à Zanzibar de sept francs à huit francs soixante centimes, suivant la qualité. Dans l’Ounyanyembé elle se vendait encore cinq francs cinquante ; dans le Manyéma on avait le premier choix pour six ou sept centimes.

Mais les traitants gâtent rapidement la place par leur avidité ; et les mauvais d’entre eux, c’est-à-dire le grand nombre, gâtent le pays par leurs cruelles manœuvres. Dans tous les lieux où ils pénètrent, les Arabes ne tardent pas à se faire exécrer ; non pas à cause de leur race ou de leur nature, mais en raison de leur odieux trafic. Tant que la vente de l’homme aura lieu à Zanzibar, les Arabes s’attireront la même haine[1].

Ils ont trouvé dans le Manyéma une population nombreuse, à la fois active et sociable, qui les a d’abord parfaitement accueillis. Mais les esclaves du Manyéma se vendent plus cher que les autres, en raison de leur beauté et de leur douceur. Les femmes surtout

  1. On sait que par suite d’un traité conclu entre l’Angleterre et Sa Hautesse, le marché de Zanzibar vient d’être fermé à l’odieux trafic (juin 1873).(Note du traducteur.)