Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont généralement fort jolies. Excepté leur chevelure, elles n’ont rien du type nègre ; leur couleur est très-claire ; dans le nord de la contrée leur teinte n’est pas plus brune que celle des Portugaises ou des quarteronnes de la Louisiane. Elles ont le nez bien fait, des yeux superbes ; les lèvres bien dessinées, bien marquées, sans être grosses, et il est rare qu’elles aient les dents saillantes. Très-alertes, elles sont habiles plongeuses et vont cueillir les huîtres au fond du Webb, où ces mollusques abondent.

Ces jolies femmes, avec cela très-intelligentes, sont avidement recherchées par les métis de la côte, qui en font leurs épouses ; les Omanis eux-mêmes ne dédaignent pas de les prendre en mariage. De là de monstrueux bénéfices, qui, au transport de l’ivoire, font joindre les cargaisons vivantes ; seulement l’un s’achète, les autres se prennent. Les rapaces qui les veulent ne reculent devant rien. Qui d’ailleurs les arrêterait ? Ils sont invincibles pour ces peuplades qui n’ont jamais vu d’armes à feu, et qui, à la première décharge, sont frappées de terreur. Elles s’imaginent que ces étrangers ont dérobé la foudre, et qu’un arc et des flèches sont impuissants contre eux.

Ce n’est pas qu’elles manquent de courage ; n’étaient ces armes surnaturelles, dans tous les cas fort inégales, leur pays serait fermé aux traitants, dont leurs guerriers ne craindraient pas le sabre ou la lance. Aujourd’hui elles ne savent que trembler et subir.

Livingstone m’a raconté à ce propos des faits horribles ; un entre autres qui s’est passé au bord du Webb et dont il a été spectateur malgré lui.

Ainsi que la plupart des Africains, les Vouamanyéma ont pour le commerce un goût très-vif ; le marchandage qui nous révolte est pour eux chose attrayante ; faire rabattre le prix d’un objet ou le maintenir, gagner une perle à cette lutte de paroles est une joie qui les enivre. Les femmes surtout aiment ce jeu avec passion ; elles y excellent ; et comme elles sont d’autant plus belles que le débat les anime, le marché attire beaucoup d’hommes.

Ce fut au milieu d’une pareille scène, toute paisible, toute joyeuse, qu’un métis arabe du nom de Tagamoyo fondit avec sa bande et fit tirer sur la foule. Au premier coup de feu, les pauvres gens se sauvèrent. Ils étaient là deux mille, courant à leurs canots et s’empêchant les uns les autres. Les décharges continuaient, volée sur volée au milieu de cette foule compacte. Quelques heureux s’éloignèrent à force de rame ; beaucoup d’autres sautèrent