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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/382

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dans le fleuve, où les attendaient de nombreux crocodiles ; mais la plupart de ceux qui périrent furent tués par les mousquets. Le docteur estime à quatre cents le nombre des morts : hommes, femmes et enfants ; celui des captifs ne fut pas moins considérable.

Cet affreux attentat n’est qu’un spécimen de tant d’autres que Livingstone a vu commettre. Il est facile après cela de comprendre en quelle exécration le nom des Arabes est tenu dans ces contrées, naguère si tranquilles, et dont le morcellement accroît l’audace et les chances des ravisseurs.

Partout les traitants ont fait de même ; si actuellement, de Bagamoyo à Oujiji, leur conduite est différente, c’est qu’ils ont été contraints d’en changer. Les tribus se rassurent ; à leur tour elles ont des mousquets, et les représailles commencent. Les Arabes menacent actuellement de leur vengeance ceux qui donneraient des armes à feu aux indigènes. Mais la faute est commise ; il est maintenant trop tard. Comment n’ont-ils pas vu la folie qu’ils faisaient en armant les peuplades les plus belliqueuses ? Elles leur ont d’abord servi d’auxiliaires, et l’ont fait avec ardeur ; elles y gagnaient d’être à l’abri du rapt et d’étendre leurs conquêtes. Puis une fois leur domination établie, une fois le sol balayé des timides dont le territoire, les biens, les personnes étaient l’objet des convoitises, les pourvoyeurs ont tourné leurs fusils contre les imprudents qui les leur avaient donnés.

Autrefois les Arabes ne prenaient que leur bâton de voyage et allaient partout, suivis seulement de quelques mousquets. Maintenant, en dépit de leur escorte, toujours plus nombreuse, ils ne marchent plus sans crainte. À chaque pas est un péril : les Vouagogo les exploitent, les Vouaségouhha les arrêtent ; le chemin du Karagoueh est plein de difficultés ; Mirambo les tient en échec, il les attaque, il les bat ; et derrière lui Souarourou leur réclame le tribut le fusil à la main.

Ils ont semé le danger, et l’ont semé pour tout le monde : pour ceux d’une autre race comme pour les bons d’entre eux. Malgré l’estime dont Livingstone fut entouré dans le Manyéma, comme partout, dès qu’il y fut connu, il manqua plus d’une fois d’y être assassiné par suite de l’erreur qui le faisait assimiler aux Arabes.

Ainsi l’ivoire abonde dans ces provinces nouvellement découvertes, et dont la population, active et industrieuse, est amie du commerce.