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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/468

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dit-on, les perles blanches, dites mérikani, que préfère le dieu terrible.

Les Vouangouana, même les Arabes, sont obligés par leurs rameurs de déférer à cette coutume, et de jeter leurs présents dans l’onde, au moment où ils approchent du lieu redoutable. Les riverains du Tanganika ont des lances pesantes, avec lesquelles ils se battent de près, et de légères asségayes qu’ils savent jeter, avec une extrême précision, à une distance de plus de cinquante mètres. Leurs arcs sont moins longs que ceux des Vouanyamouézi et des Vouakonongo ; mais leurs flèches sont les mêmes, bien que faites avec plus d’art.

Parmi ces tribus, les Vouabembé ou Vouavembé, qui occupent les sommets rocailleux de la côte occidentale, en face de l’Ouroundi, sont anthropophages, et se montrent rarement aux étrangers. Ils semblent inférer de leurs propres coutumes que ces inconnus sont mangeurs d’hommes ; et dès qu’ils aperçoivent les canots des Arabes ou ceux des Vouangouana, ils s’enfuient dans leurs montagnes. On dit néanmoins, je ne garantis pas le fait, que s’ils apprennent que les voyageurs ont un moribond parmi leurs esclaves, ils demandent à l’acheter, et qu’en échange de l’agonisant ils proposent du grain et des légumes. On dit aussi, qu’ayant vu un Zanzibarite d’un embonpoint exceptionnel, ils portèrent leurs mains à leurs bouches, en s’écriant avec admiration :

« Chukula ngema sana hapa ! Chumvi mengi ! » Bonne nourriture vraiment ! du sel en abondance !

Ces cannibales ont pour voisins les Vouasansi — d’après Livingstone on devrait dire Basansi — qui, j’en ai peur, aiment également la chair humaine. Ce sont eux qui nous ont cherché querelle au sujet de la mort du fils de leur voisin, et qui avaient juré que pas un Arabe ou un Mgouana ne mettrait les pieds sur leur territoire. Je n’ai jamais vu pareille excitation à celle que témoignèrent ces gens-là en voyant découper une chèvre par un de nos hommes. Leurs regards s’attachaient sur la proie avec la frénésie de ceux d’un loup affamé. Ils implorèrent de petits morceaux de viande, s’arrachèrent ceux qu’on leur donna, et recueillirent avec avidité le sang de la bête répandu sur le sable. Je ne sais pas ce qu’il y a de vrai dans le reproche de cannibalisme adressé aux Vouabembé ; mais je suis persuadé que les Vouasansi le méritent.