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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/58

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Parmi la foule qui nous attendait, se tenait au premier rang un membre de la Société du Saint-Esprit, attaché à la mission que les jésuites ont fondée sur la côte, et dont nous avons déjà parié. Le révérend Père nous invita de la façon la plus courtoise à loger dans leur maison, à y prendre nos repas, et même, si cela pouvait nous être agréable, à établir notre camp sur leur terrain. Mais je suis de ceux qui, toutes les fois qu’elle est possible, préfèrent l’indépendance à tout autre avantage. Puis, la délicatesse avec laquelle mon hôte de Zanzibar avait supporté l’énorme embarras que je lui avais causé me faisait sentir plus que jamais le poids des obligations que vous contractez en pareil cas. Si pressante et si cordiale que fût l’invitation des bons Pères, je ne l’acceptai donc que pour moi seul, et pour la première nuit.

Je louai à l’extrémité de la ville, du côté de l’ouest, une maison donnant sur un grand espace, auquel aboutissait la route que nous devions prendre. Eussé-je été à Bagamoyo depuis un mois que je n’aurais pas pu mieux choisir. Dressées en face du bâtiment, nos tentes formèrent avec lui l’enceinte d’une petite cour, où pouvaient se traiter les affaires à l’abri des importuns.

Un enclos, attenant à la maison, reçut nos vingt-sept bêtes. Les caisses, les ballots furent emmagasinés ; une ligne de soldats fut placée à l’entour ; et laissant notre camp sous la garde de Farquhar, de Shaw et de Bombay, je me rendis chez mes hôtes, qui m’attendaient pour souper.

La Mission est au nord de la ville, à une distance d’au moins huit cents mètres. C’est tout un village : quinze ou seize corps de logis. Dix révérends frères et autant de sœurs forment le personnel de l’établissement, et s’y appliquent à faire jaillir l’intelligence du crâne des indigènes. La vérité m’oblige à reconnaître que leurs efforts sont couronnés de succès. Ils ont là, comme je l’ai dit précédemment, plus de deux cents élèves, filles et garçons ; et tous, du premier au dernier, portent l’empreinte de l’utile enseignement qu’ils reçoivent.

Le repas qui nous fut servi eut le même nombre de plats que le diner d’un hôtel parisien de première classe, et fut accommodé avec presque autant d’art, en dépit de l’infériorité des ressources. Il me fut prouvé, en outre, que les bons Pères n’étaient pas seulement de fins dégustateurs de potages et d’entrées, mais qu’ils ne se laissaient point abrutir par l’absence du liquide vivifiant qu’ont chanté Horace, Hafiz et Byron. Le Champagne — songez-y : du Cliquot dans un trou du Zanguetur ; — le Bourgogne, le Bor-