Aller au contenu

Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’après les indigènes, les trois espèces que nous venons de décrire seraient fatales aux bêtes bovines ; ce qui expliquerait l’absence de gros bétail dans ce pays si riche en pâturages, et ou les habitants n’ont que des chèvres.

Le lendemain, au lieu de partir, je crus devoir attendre ma quatrième caravane. Burton, qui, sur la promesse qu’on lui avait faite d’un envoi à bref délai, avait quitté Kaolé et n’avait reçu qu’au bout de onze mois les articles promis, devait me servir d’exemple. Être retenu dans l’Ounyanyembé un pareil laps de temps, aurait été pour l’Expédition une véritable ruine. Ma quatrième bande devait marcher devant nous, la prudence l’exigeait.

En attendant, je songeai aux plaisirs de la chasse. Bien que j’eusse abattu quelque peu de gibier en Amérique et en Perse, j’étais novice, je l’avoue, dans cette partie du sport. Je me regardais néanmoins comme bon tireur ; et dans un pays giboyeux, à belle portée de l’animal, je ne doutais pas d’un certain succès.

Après avoir fait un mille dans les grandes herbes de la plaine, je gagnai une série de clairières, placées entre des jungles.

Tous les coins avaient été fouillés, les remises battues les unes après les autres ; je n’avais rien aperçu, lorsque je tombai sur une piste, où les empreintes d’une petite antilope se mêlaient à celles du caama. Ces traces, que je suivis naturellement, entrèrent dans un fourré, et me conduisirent au bord d’un ruisseau qui traversait la jungle. Pendant une heure les empreintes furent plus ou moins visibles ; puis elles s’effacèrent ; je voulus retourner sur mes pas, et je m’égarai.

Avec ma boussole, je n’avais rien à craindre ; j’étais certain de débucher dans la plaine à peu de distance du camp. Mais c’est un travail terriblement rude que de sortir de ces halliers d’Afrique, ruineux pour les habits, cruel pour l’épiderme. Afin de marcher plus lestement, j’avais gardé mon pantalon de flanelle et mes souliers de toile. À peine étais-je plongé dans le fouillis épineux, qu’une branche d’acacia horrida, l’une des cent espèces de grappins que j’allais rencontrer, saisit ma jambière droite au genou, et arracha le morceau presqu’entièrement ; vint ensuite le tronc d’un kolqual, un grand euphorbe hérissé d’aiguilles, qui me prit à l’épaule, d’où résulta une nouvelle déchirure. Puis un aloès accrocha mon autre jambière et la fendit du haut en bas ; pendant ce temps-là un convolvulus, fort comme un câble, m’empêtra dans ses replis, et je fus lancé tout de mon long sur un lit d’épines.