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Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/124

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Je dirai, dans l’intérêt des despotes : Le dernier des hommes, s’il a vingt ans et des joues bien roses, est dangereux pour une femme qui ne sait rien, car elle est toute à l’instinct ; aux yeux d’une femme d’esprit, il fera justement autant d’effet qu’un beau laquais.

Le plaisant de l’éducation actuelle, c’est qu’on n’apprend rien aux jeunes filles, qu’elles ne doivent oublier bien vite, dès qu’elles seront mariées. Il faut quatre heures par jour pendant six ans, pour bien jouer de la harpe ; pour bien peindre la miniature ou l’aquarelle, il faut la moitié de ce temps. La plupart des jeunes filles n’arrivent pas même à une médiocrité supportable ; de là le proverbe si vrai, qui dit amateur dit ignorant[1].

Et supposons une jeune fille avec quelque talent, trois ans après qu’elle est mariée elle ne prend pas sa harpe ou ses pinceaux une fois par mois : ces objets de tant de travail lui sont devenus ennuyeux, à moins que le hasard ne lui ait donné l’âme d’un artiste, chose toujours fort rare et qui rend peu propre aux soins domestiques.

C’est ainsi que sous un vain prétexte

  1. Le contraire de ce proverbe est vrai en Italie où les plus belles voix se trouvent parmi les amateurs étrangers au théâtre.