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pensées

aussi vite qu’il pense et sent, que cet homme une journée entière prononçât de manière à n’être entendu que d’un seul homme tout ce qu’il pense et sent, qu’il y eût, cette même journée, toujours à côté de lui un sténographe invisible qui pût écrire aussi vite que le premier penserait et parlerait.

Supposons que le sténographe, après avoir noté toutes les pensées et sentiments de notre homme, nous les traduisit le lendemain en écriture vulgaire, nous aurions un caractère peint pendant un jour aussi ressemblant que possible.

Le naturel nous intéresse tant que, quel que fût cet homme, nous aurions un grand plaisir à voir jouer cette comédie naturelle. Pour la représenter il faudrait toujours en retrancher une partie, à cause des décorations qui ne pourraient pas rendre tous les lieux où notre homme aurait couru. On pourrait faire un théâtre circulaire, comme un panorama, et que la scène fût circulaire comme la toile du panorama. Alors si c’était moi qui fût le protagoniste on m’aurait déjà vu le matin dans la chambre, de là dans toutes les rues où j’ai passé, au café de la Régence, au cabinet littéraire et encore dans ma chambre où j’écris. Comme le protagoniste sur la scène serait obligé de parler,