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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/214

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filosofia nova

qui leur paraît et non suivant ce qui est.

C’est-à-dire que les passions agissent d’après les énoncés qui leur sont donnés pour vrais par leurs têtes.

Ce que nous nommons vérités est ce qui paraît aux sages, après avoir corrigé autant que possible leurs sens les uns par les autres.

Je conclus d’après cela :

1o Qu’il ne faut pas estimer notre conversation et en général notre rôle dans la vie commune par le mérite qu’il nous semble avoir, c’est-à-dire par l’effet qu’il nous semble devoir produire, mais par l’effet que nous lui voyons produire réellement. Un homme peut dire des choses charmantes et passer pour un sot parce que ce sont des sots qui le jugent. Mais dans ce cas il a toujours un grand tort, celui d’avoir ignoré les vérités sur les gens à qui il parlait, c’est-à-dire d’avoir ignoré ce qu’ils étaient.

2o Que les philosophes les plus constants diseurs de vérités peuvent se tromper quand ils parlent de passions violentes. Car très souvent ces sages sont des gens froids qui ne les ont éprouvées que dans un petit degré. Dans ce genre-là il ne faut en croire que soi.

Helvétius et Buffon disent qu’il n’y a que l’amour physique de bon.