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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/223

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pensées

nité de vérités sur nous envisagées d’une certaine manière.

Par nous j’entends la réunion de notre corps, notre tête et notre cœur.

Quand nous sommes avec quelqu’un et que nous trouvons tous deux notre plus grand bonheur dans la même chose, nous nous aimons l’un l’autre autant que possible.

Je dis d’une certaine manière ou sous un certain rapport, par exemple la passion de la vengeance nous fait rendre une infinité de jugements sur notre puissance. L’amour que Saint-Preux avait pour Julie lui faisait rendre une infinité de jugements sur le pouvoir qu’il avait de la rendre heureuse.

L’amour qu’un homme très aimable (dans le sens de la société) aurait pour une femme très aimable (dans le même sens) lui ferait rendre une infinité de jugements sur le pouvoir qu’il a de plaire aux femmes.

On peut donc dire que plus un homme est passionné, plus il est profondément égoïste. Mais dans le monde on entend par égoïste celui dont le but est le plus éloigné possible de celui des autres : Quand le but d’un homme n’a été éloigné de celui d’un autre, plus que l’usage ne le permet[1],

  1. L’usage est le niveau général auquel la meilleure compagnie rapporte tout. C’est les Mœurs.