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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/250

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filosofia nova

fort possible du même genre, pour peindre le caractère de Chamoucy : (Souvenirs de Berlin, 1, 290). Dans un régiment de hussards il y avait un brave soldat bien exact à tous ses devoirs, mais qui ayant plus de soixante et dix ans déplaisait au général (colonel) parce qu’il lui semblait déparer le rang par ses cheveux blancs et ses rides. Cet homme avait une femme presque aussi âgée que lui, et ils se soutenaient l’un et l’autre par le moyen de leur fils soldat au même régiment et qui faisait chambrée avec eux. Le général ayant fait tout au monde pour envoyer le vieux soldat aux Invalides et n’ayant pu y réussir résolut de l’y contraindre par le malheur en le privant de son fils, son unique soutien. Il l’envoya au roi, pour le mettre dans ses gardes.

Ce jeune homme envoya à ses parents de l’argent que le roi lui avait donné pour acheter une montre. Il plut au roi qui le fit son valet de chambre.

Quand le général sut la bonne fortune du jeune soldat, il eut la lâcheté et la bassesse de venir en féliciter ses parents : « C’est moi, leur dit-il, qui lui ai procuré cette place, etc… »

M. le général craignait que le jeune homme ne le desservît en parlant des persécutions dont son père avait été l’objet.