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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/285

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pensées

naître les pensées, que l’homme qui n’a pas senti ne peut trouver que par hasard.

Un succès de vanité n’est originairement qu’un assignat, qu’une promesse de plaisir. Voilà quelle serait la vanité de trente jeunes filles et de trente jeunes garçons qu’on aurait transportés dans une île au moment de leur naissance et qui auraient été servis par des muets, de la manière la plus égale possible. Ils tireraient vanité par exemple de bien tirer le fusil à la cible, parce que ce talent leur promettrait du gibier et par conséquent la jouissance qu’on a à le manger, ou en faisant des cadeaux de l’échanger contre d’autres plaisirs.

Mais nous qui sommes portés comme tous les hommes à imiter, nous arrivons dans le monde, nous voyons tout le monde y rechercher les plaisirs de vanité et nous aimons les impressions des actions qui satisfont notre vanité, non plus comme promesses de plaisirs, mais comme plaisirs eux-mêmes.

Or ces plaisirs sont-ils de même nature que les plaisirs de la nature

Qu’est-ce que cet état de nature que je prends pour point de comparaison ?

Quels étaient alors les plaisirs des hommes ?