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Page:Stendhal - Pensées, II, 1931, éd. Martineau.djvu/300

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filosofia nova


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J’ai eu de bien faux principes jusqu’ici. En voici un. J’étudie les passions pour le pathétique, cette étude me servira aussi pour le comique.

C’est comme si un arpenteur, qui pour lever ses plans s’élèverait dans un ballon 200 toises au-dessus du sol du pays qu’il mesure, disait : j’étudie en même temps l’art du paysage, quand je voudrai j’en ferai. Le paysagiste et lui ne regardent pas la nature du même côté.

Il en est de même du poète tragique et du comique. Le premier sympathise avec tous les hommes qu’il voit, entre dans leurs affections, et tâche de sentir ce qu’ils sentent.

Le deuxième au contraire s’habitue à une manière de voir, tâche de se rendre du meilleur ton possible, et alors ne sympathisant avec personne, n’observe les gens que par les rapports qu’ils peuvent avoir avec lui, emploie son imagination à la vérité comme le tragique, à se les figurer dans de certaines situations. Mais ils regardent leurs imaginations comme ils regardent la nature.

Le poète tragique doit être ému, elles doivent faire rire ou sourire le comique.

Leur manière d’étudier la nature est donc absolument différente.