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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/205

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je ne dis pas en province. Nos philosophes ont assez déclamé contre cette ville de boue et de fumée. Quelle voix éloquente s’élèvera pour nous montrer que les grandes villes forcent l’homme et les gouvernements à plusieurs vertus[1] ? Dans les arts, le vrai beau ne peut naître que là. Je n’oublierai jamais la musique de Genève ; c’est un des spectacles les plus singuliers que m’ait donnés mon voyage : ces jeunes femmes posant leur tricot, s’approchent du piano, et se mettent à chanter les duos passionnés des grands maîtres !

6 août. — On me raconte qu’il y a eu, cet automne, sur les bords du lac la réunion la plus étonnante ; c’étaient les états généraux de l’opinion européenne. Pour que rien n’y manquât, on y a vu jusqu’à un roi, qui peut-être y a pris quelques leçons de savoir-vivre. Ai-je besoin de nommer le personnage étonnant qui était comme l’âme de cette grande assemblée ? À mes yeux, ce phénomène s’élève jusqu’à l’importance politique. Si cela durait quelques années, les décisions de toutes les

  1. Le style du mérite d’un homme suit la proportion du nombre d’habitants de sa ville. Un homme simple et grand comme Roum est perdu dans une ville de dix mille âmes. Un sot vernissé doit, au contraire, chercher une telle ville. Son habit répond pour lui.