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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/219

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LE SOLDAT ITALIEN
ÉTUDE

Je remarquai près d’Osimo un homme couvert de haillons, mais d’une taille magnifique, qui travaillait dans un champ. La fierté et la force de ses mouvements annonçaient un militaire. En effet, c’est un sergent de grenadiers du huitième d’infanterie, presque tout composé de Romains. Il était élève en sculpture ; il déserta, fut pris, et allait être condamné au boulet, lorsqu’il fut sauvé par l’intendant de la couronne, à Rome, un des hommes les plus faits pour faire chérir le nom français. Je passe cinq heures avec mon grenadier ; je voulais voir l’intérieur de ces cerveaux italiens qui ont connu la gloire, quoique fils de la superstition. Il me montre, dans sa chaumière, son uniforme entier ; il met du blanc sur sa buffleterie tous les dimanches. Plutôt que d’user la moindre partie de son uniforme, il aime mieux paraître couvert de haillons, et les jambes nues et brûlées du soleil, comme tous les paysans italiens. J’acquiers sa confiance en me supposant à toutes les batailles où il s’est trouvé. — Le courage français est une transformation de la vanité. Ce motif n’existant pas en Italie, il est remplacé en grande partie par la colère ; et, après le combat, ils viennent souvent jusqu’au milieu de leurs officiers égorger les prisonniers. Les blâmerai-je ?