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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/52

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ce genre, il écrit en vénitien ou en milanais. On parle toujours toscan aux étrangers ; mais, dès que votre interlocuteur veut exprimer une idée énergique, il a recours à un mot de son dialecte. Les trois quarts de l’attention d’un écrivain d’Italie portent sur le physique de la langue. Il s’agit de n’employer aucun mot qui ne se trouve dans les auteurs cités par la Crusca. Le diable, c’est lorsqu’il faut exprimer des idées inconnues aux Florentins du quinzième siècle. Les écrivains d’Italie tombent alors dans le ridicule le plus outré. M. Botta, dans son Histoire d’Amérique, dit toujours : Il convento de’ Dominicani, le couvent des Dominicains, pour le congrès des habitants de la Dominique.

On n’a jamais de feu qu’en écrivant la langue qu’on parle à sa maîtresse et à ses rivaux. Pour comble de maux, l’un des deux pays où le toscan est indigène, Rome, est condamné depuis trois siècles à une enfance éternelle. Même pour les livres de philosophie, ne pas écrire la langue qu’on parle est un immense désavantage ; plus de clarté.

On ne peut parler vite en italien, défaut irrémédiable. En second lieu, cette langue est essentiellement obscure : d’abord parce que depuis trois siècles personne n’a d’intérêt à écrire clairement sur des sujets