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Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/86

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la maison de Savoie ; après avoir imprimé qu’il n’était pas digne d’un homme libre de se marier et de s’exposer à avoir des enfants sous le joug de tels tyrans ; après avoir dit de cent manières qu’il répandait des larmes de rage d’être né au milieu d’un peuple avili ; après avoir donné son bien à sa famille pour ne pas vivre au milieu de ces esclaves ; en un mot, après avoir écrit le livre forcené de la Tyrannide, le hasard l’amène sur le champ de bataille, où un peuple rempli de nobles sentiments[1], et enthousiaste de toutes les vertus, cherche à conquérir sa liberté. On s’attend qu’il va partager l’ivresse de toutes les âmes généreuses : rien moins que cela ; dans ce moment décisif pour son caractère, n’étant plus offensé par la majesté du trône, le noble l’emporte, et Alfieri n’est qu’un ultra. Son mépris, ou plutôt sa haine masquée en mépris, pour la nation héroïque qui vient de dévoiler son cœur, ne trouve pas de termes assez forts. De ce moment il hait encore plus la France et les Français que les rois. Quand même ce pays fût parvenu à se donner la liberté, il eût encore écrit le Misogallo.

« L’ennui, joint à la haine pour les heureux, est le grand trait de la vie d’Alfieri,

  1. 1789.