Aller au contenu

Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop ce qu’on va dire. Rien d’éclatant, rien d’entraînant : dès qu’on a lu trois ou quatre de ces tragédies, les autres ne surprennent plus. C’est un livre comme Milton, qu’on prend par devoir et qu’on quitte sans peine.

« J’ai fait les remarques précédentes, en ma qualité de littérateur instruit ; quant à ma sensation particulière, je pense que les personnes à qui il a été donné de comprendre Shakspeare ne seront jamais touchées jusqu’à un certain point par les compositions d’aucun autre écrivain dramatique. Shakspeare ne ressemble pas plus à Alfieri qu’à tout autre poëte. Alfieri, Corneille et tous les autres considèrent une tragédie comme un poëme. Shakspeare y a vu une représentation du caractère et des passions des hommes, qui doit toucher les spectateurs, en vertu de la sympathie, et non par une vaine admiration pour les talents du poëte. Chez les autres tragiques, le style et la couleur générale du dialogue, la distribution et l’économie des diverses parties de la pièce sont les principaux objets : pour Shakspeare, c’est la vérité et la force de l’imitation. Les poëtes classiques sont satisfaits s’il y a dans leur ouvrage assez d’action et de peintures de caractères pour empêcher la composition de tomber