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Page:Stendhal - Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, 1928, éd. Martineau.djvu/438

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de faire faire de la musique pour eux ?

Le ciel de Bordeaux, les fortunes rapides, les idées nouvelles que donne le commerce de mer ; tout cela, joint à la vivacité gasconne, devrait y faire naître une comédie plus gaie et plus fertile en événements que celle de Paris. Pas la moindre trace d’un tel mouvement. Le jeune Français, là comme ailleurs, étudie son La Harpe, et ne s’avise pas de poser le livre, et de se dire : Mais cela me plaît-il réellement ?

On ne trouve un peu d’originalité en France que dans les classes du peuple, trop ignorantes pour être imitatrices ; mais le peuple ne s’y occupe pas de musique, et jamais le fils d’un charron de ce pays-là ne sera un Joseph Haydn.

La classe riche y apprend tous les matins, dans son journal, ce qu’elle doit penser le reste de la journée en politique et en littérature. Enfin la dernière source de la décadence des arts en France, c’est l’attention anglaise que les gens qui ont le plus d’âme et d’esprit y donnent aux intérêts politiques. Je trouve très commode d’habiter un pays pourvu d’une constitution libre ; mais, à moins d’avoir un orgueil extrêmement irritable, et une sensibilité mal placée pour les intérêts du bonheur, je ne vois pas quel plaisir on peut trouver à s’occuper sans cesse de constitution et de politique.