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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/208

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glots, des désespoirs ; et sa mère se plaignait que, après cela, on ne pouvait plus l’endormir de toute la nuit.

Hélas ! de ce doux foyer qui réunissait alors quelques êtres privilégiés, contents de s’appartenir, heureux d’être ensemble, que reste-t-il à cette heure ? Le vent de la dispersion a soufflé ; le malheur est venu ; la mort a fait son œuvre. De ces cinq personnes qui s’étaient chères, deux ont rejeté la vie, n’en pouvant plus supporter les peines et les dégoûts. Des trois autres, séparées à jamais, seule, peut-être, j’ai préservé de l’outrage ou de l’oubli la fidélité du souvenir et je garde le respect des amitiés éteintes.

Mais voici que je touche à la fin de mon existence de pensionnaire.

On entrait dans la seconde moitié de l’année 1822.

Je savais que le retour de ma mère était proche. J’en étais préoccupée et je m’en voulais en sentant confusément que j’en avais plus d’appréhension que de joie.

Une après-midi, étant dans ma chambre, à ma fenêtre ouverte, où je respirais le parfum des tilleuls en fleur, j’entendis sur le sable de la cour un bruit de roues qui me fit tressaillir. Peu après, je vis entrer la maîtresse générale. Je pâlis. Madame de Gramont, d’un air grave, me dit que ma mère était là, qu’elle venait pour m’emmener. Nous descendîmes ensemble