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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/209

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en silence le grand escalier. Arrivées au bas, voyant que j’allais pleurer : « Calmez-vous, mon enfant, calmez-vous, dit enfin madame Eugénie ; c’est la volonté de Dieu. »

Nous entrâmes au parloir. Ma mère, très-émue aussi, me serra dans ses bras. J’y restai quelques instants sans relever la tête, cachant sur son sein mes yeux pleins de larmes. Après quelques paroles de politesse échangées avec madame de Gramont, ma mère s’excusa de m’emmener si vite et s’avança vers le perron où l’attendait sa voiture. Avec l’aide de la tourière, je mis à la hâte et sans trop savoir ce que je faisais mon mantelet, mon chapeau.

Comme j’étais déjà dans la voiture :

— Adieu, Marie, adieu, s’écria madame de Gramont, ne nous oubliez pas, que Dieu vous garde I

Je me penchai à la portière pour lui répondre. La grande porte cochère de l’hôtel Biron s’ouvrait, elle se referma lentement derrière moi. Un quart d’heure après, nous descendions sous la voûte d’un hôtel de la place Vendôme, dont ma mère venait de louer le premier étage[1], et elle me conduisait à la chambre que j’allais occuper près d’elle jusqu’au jour où je devrais la quitter pour entrer dans la maison étrangère de l’homme qu’elle me choisirait pour époux.

  1. L’hôtel qui forme un des pans coupés de la place et qui portait alors le n° 22. Il est occupé aujourd’hui par l’état-major de la garde nationale. (1847.)