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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/219

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un âge aussi tendre, portée comme je l’étais au respect, à la docilité hiérarchique, à la vénération, je ne connus guère de la famille que le nom, et que mon inexpérience ne trouva où s’appuyer ni sur qui se modeler dans ce premier essai de la vie. Abandonnée ainsi à moi-même et sans épanchement filial, ma pente naturelle à la rêverie s’accentua, et pendant un assez long temps cette rêverie empreinte de mysticisme alla vers le cloître.

Bien que ma chère madame Antonia, mon amie Fannyet même la pauvre Adelise eussent quitté l’hôtel Biron, j’y retournais fréquemment ; j’assistais dans la chapelle du Sacré-Cœur aux offices des fêtes de la Vierge et de la quinzaine de Pâques, y goûtant plus qu’à ma paroisse cette saveur de dévotion qui s’exhale en soupirs séraphiques du sein des jeunes cloîtrées. Nulle autre part le Miserere, le Parce Domine, chantés par des voix émues où tremblait l’amour divin, ne me pénétraient d’une si suave mélancolie.

Lorsque je montais à l’orgue et que je mêlais ma voix au chœur, j’éprouvais un ravissement auprès duquel mes plaisirs mondains me paraissaient insipides.

On s’étonnera peut-être que l’exaltation de ma piété ne me portât pas à souhaiter, à tenter la conversion de ma mère. Mais j’ai tout. lieu de croire que, dès cette époque, le sang protestant qui coulait dans mes veines mêlait à ma ferveur catholique des inconséquences et