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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/222

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née sur le prie-dieu, le visage caché dans leurs mains, plongés dans une méditation profonde et poussant des soupirs à fendre les murs.

Insensiblement, sans nous parler, et comme il est permis entre voisins à l’église, le chef du groupe d’abord, puis l’un ou l’autre des jeunes adeptes, avaient trouvé moyen d’entrer en relation avec ma mère et moi. La corbeille du pain bénit qu’on se passe dans les rangs, la quête, l’importunité de la loueuse de chaises, l’entremise des bénitiers surtout, à la sortie, qui rapproche les doigts pieux, offraient à nos paroissiens bien usagés mille occasions discrètes de politesses.

Les yeux de M. Coëssin, car c’était lui, me regardaient jusqu’au fond de l’âme, et ses lèvres, sans articuler une parole, murmuraient à mon oreille je ne sais quoi d’indistinct, d’attirant et de caressant ; le jeune abbé de la Trèche, le saint Jean entre les disciples, adressait ses empressements et ses révérences à ma mère. Les disciples laïques, un chevalier de Bauterne, entre autres, dont l’air était plus galant et la façon plus mondaine, se risquaient, lorsque nous arrivions à vêpres en retard, jusqu’à me passer le paroissien ouvert et à m’y indiquer le verset.

Ce manége avait pour but de préparer une connaissance plus intime et de pouvoir, un jour ou l’autre, s’introduire chez nous. Une mère riche à convertir,