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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/231

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pouvait paraître agréable ou désagréable. Chose grave ! le secret n’était plus gardé ; l’opinion des salons intervenait, et, si le mariage manquait, il y avait compromission, il y avait presque affront de part ou d’autre. On imagine aisément de quelles précautions on entourait l’entrevue, comme on la voulait brève, comme on la feignait fortuite, comme on arrangeait tout pour qu’elle ne pût pas avoir d’issue négative.

J’ai dit que les demoiselles disposaient librement de leur main. On le leur disait bien haut, on le leur persuadait même assez souvent. On ne heurtait de front ni leur fierté, ni l’instinct du cœur féminin qui rêve le bonheur dans l’amour conjugal ; mais que d’art pour donner le change à l’inexpérience ! Quel abus de tous les meilleurs sentiments et des choses les plus saintes, de la piété filiale, de la volonté divine, que l’on faisait intervenir par la voix du confesseur, pour amener aux lèvres d’une enfant, qui ne sait rien d’elle-même ni de la vie, un oui dérisoire !

La jeune fille n’aime pas, elle le sent bien, mais elle aimera, sa mère le lui dit : une jeune fille bien née aime toujours l’homme qu’elle épouse ; tel est aussi l’avis du confesseur. Et puis les enfants viendront, le grand amour de la femme ; on les chérira ensemble, ensemble on se réjouira de leurs caresses, on leur donnera ensemble l’éducation chrétienne ! Quel lien ! quel avenir, quel intérêt sacré, toujours crois-