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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/252

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je me suis accusée et repentie de n’avoir pas écouté la voix de mon cœur ! Avec quelle obstination, revenant sur le passé, j’ai cherché à me représenter ce qu’eût été ma vie si j’avais eu le courage de ma tendresse. et si, mettant ma main dans la main de cet homme aimant et bon, je lui avais dit : Restez ! restez près de moi, restez avec moi, soyez mon ami, mon guide, mon conseil et ma conscience, mon paternel époux !…… Ah ! combien il eût été facile à cette main prévoyante, si ferme et si douce, de me retenir avec elle dans les voies aplanies où le devoir s’appuie et s’abandonne aux secrets penchants du cœur !

Quel renouvellement indéfini de respects et de tendresses ma jeunesse eût puisé dans le commerce d’un homme en qui la grandeur et la bonté ne faisaient qu’un avec l’intelligence et le courage ! Quelle animation de l’esprit à tout apprendre, quel repos du cœur à se sentir aimée, comprise toujours, d’une si pénétrante et indulgente amitié ! Quel bonheur de rendre plus douce à cette âme virile l’acceptation des peines de la vie ! Quelle joie à démentir les prévisions de la commune sagesse ! Quel orgueil dans un bonheur si haut !…

Je n’étais pas appelée à une telle destinée. Je ne devais connaître le repos qu’à l’autre bout de la vie. Il me, fallait chercher, douter, lutter, souffrir, être misérablement déchirée, dans toutes les fibres de mon