Aller au contenu

Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

frère venait aussi de louer un étage, de sorte que nous allions y être tous réunis. L’hôtel de Mailly était une fort belle demeure avec cour, avant-cour et arrière-cour, étages très-élevés, ayant vue sur le pont Royal, le palais et le jardin des Tuileries, grand jardin dont la terrasse longeait et dominait le quai Malaquais. L’ombre des vieux marronniers donnait bien quelque fraîcheur à notre rez-de-chaussée, mais l’usage des calorifères, récemment importé de Russie, en ôtait l’humidité. Le chant des merles et des autres oiseaux qui nichaient en multitude dans les bosquets du jardin, les lierres qui tapissaient les murs, les touffes écarlates du géranium sur les vases de la terrasse, le parfum des fleurs de toute sorte dont on émaillait les plates-bandes avaient, à mes yeux, un charme singulièrement mêlé de tristesse et de douceur. C’est de ce lieu agréable que j’ai vu passer la première des révolutions à laquelle j’ai pu comprendre quelque chose. C’est sur cette terrasse du quai Malaquais que, assises, ma mère et moi, dans la matinée du 26 juillet, nous apprîmes, par des amis, la nouvelle du Moniteur. Nous en fûmes fort troublées. On pensait que des protestations violentes allaient se produire à Paris et dans les départements, et nous appréhendions de nous voir séparés les uns des autres sans pouvoir peut-être nous rejoindre. Ces craintes, quant à mon frère, furent bientôt dissipées. Le 27 au matin, non sans quelques difficultés, il rentrait dans