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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/343

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Paris, tout abasourdi de ce qui se passait, n’en ayant rien su, rien pu soupçonner dans le silence toujours souriant de son chef. À peine nous eut-il embrassées, que Maurice courut au ministère des affaires étrangères.

M. de Polignac était à Saint-Cloud. Ce fut l’un des directeurs, M. de Vielcastel, notre ami, qui dit à mon frère, avec beaucoup de tristesse, ce qu’il savait, ce qu’il redoutait : la baisse effrayante des fonds publics, l’agitation populaire, la protestation des journalistes, l’incertitude où l’on était quant aux mesures prises pour réprimer les désordres, etc.

Revenu vers une heure à l’hôtel de la rue des Capucines, mon frère y trouva cette fois son chef. En rentrant au ministère, la voiture du prince de Polignac avait été accueillie à coups de pierres ; il avait été hué, mais il n’en semblait guère ému. Il reçut Maurice le sourire aux lèvres, comme d’habitude. Il eut même, en lui parlant, un petit accent goguenard, comme se réjouissant d’avoir été si secret, si profond, si homme d’État. Il lui apprit qu’il venait de signer l’ordonnance qui confiait au maréchal Marmont le commandement supérieur des troupes ; puis, en lui serrant la main avec une affection paternelle : « Allez rassurer votre femme et votre mère, lui dit le ministre ; il n’y a plus rien à craindre, toutes nos mesures sont prises. Je n’ai plus besoin de vous ici, ajouta-t-il, le conseil