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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/345

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nous assîmes sous les marronniers. La conversation bruyante avait fait place à de rares propos, inquiets et tristes.

Il était environ cinq heures. Tout à coup un bruit sourd et lointain, un bruit inaccoutumé, frappe mon oreille : « Qu’est cela, m’écriai-je ? » et je me levai pour courir vers la terrasse. On me retint. « C’est un bruit d’armes à feu, dit l’un de nos amis. — C’est un feu de peloton, dit un autre. — Pauvres gens ! m’écriai-je, pensant aux hommes du peuple sur qui l’on tirait sans doute.

Nos amis me regardèrent d’un air stupéfait. — « Les pauvres gens, madame ! mais ce sont d’infâmes gueux, qui veulent tout saccager, tout piller !… » Je m’étonnai à mon tour. Sur ces entrefaites, mon frère, étant allé à la découverte, nous apprit que, rue des Pyramides, un détachement d’infanterie venait de faire feu sur un attroupement qui n’avait pas ohéi aux sommations ; un homme, disait-on, était tombé. Les autres avaient pris la fuite, en criant : « aux armes ! »

Ma mère, très-alarmée, craignant pour le lendemain une bataille des rues, proposa de me faire partir pour Bruxelles — j’étais dans un état de grossesse très-avancée. — Mon frère l’en dissuada, méjugeant beaucoup moins exposée à Paris que partout ailleurs.

Pendant que nous délibérions ainsi, les troupes se