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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/354

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et toutes deux gagnées, non par faveur, mais sur les champs de bataille, n’étaient pas une recommandation : peu à peu cependant le nuage se dissipa, les relations devinrent extrêmement cordiales. On tâcha d’entamer les préventions de la Dauphine. On l’intéressa même à la jeunesse, égarée, mais restée pure, au fond, de ce bon royaliste. J’ai raconté comment la princesse avait voulu me voir et m’avait donné l’espoir d’une survivance auprès d’elle. Mais là se borna l’effet de ses bonnes grâces.

Mon mari, en continuant de servir, par amour du métier des armes, ni ne demanda ni n’obtint jamais la moindre faveur et ne s’attacha jamais non plus personnellement à aucun des princes. Quant à moi, je reçus, comme on l’imagine, après la révolution, une infinité de condoléances au sujet de la dignité que je perdais. « On l’a mise sur les genoux de la Dauphine », avait-on dit, lors de mon mariage, dans le faubourg Saint-Germain. On m’estimait fort à plaindre d’en être ainsi arrachée. Je n’entrais pas trop dans ces regrets, ne me sentant pas très-propre aux fonctions qu’on m’avait destinées ; et cependant, malgré l’accueil gracieux que j’avais reçu au Palais-Royal, je n’allai point au palais des Tuileries.

À peu de temps de là, j’achetai du prince de La Trémoïlle le château de Croissy, j’y passai la plus grande partie de l’année, et j’eus bientôt oublié la cour et les princes.