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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/372

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Dauphine, d’être, sans en parler, régulière, on affectait, à cette heure, les habitudes dévotes. Dans les antichambres, les laquais ne disaient plus « madame est sortie », mais « madame est à vêpres ; madame est au sermon du père un tel, » etc. Les belles dames, quand elles avaient de la voix, chantaient dans les églises, au mois de Marie. Celles qui se persuadaient savoir écrire publiaient de petits livres d’édification ; celles à qui l’on avait enseigné le latin embrassaient la théologie. Elles étalaient à grand bruit, chez les libraires, des traités sur la Chute, sur la Grâce, sur la Formation des dogmes, etc. Les goguenards appelaient ces dames théologiennes : les Mères de l’Église. Le spirituel curé de la Madeleine, l’abbé Deguerry, impatienté de tout ce zèle, demandait qu’on le délivrât de ces commères de l’Église. Les plus galantes étaient les plus touchées de la grâce. Chacune mettait son grappin, qui sur un prélat, qui sur un déchaux, qui sur un dominicain, qui sur un père. Les hommes du monde se piquaient à ce jeu dévot. Nourris au suc des fleurs du paradis mondain de madame Swetchine, tout un essaim de convertis convertisseurs se répandaient dans le monde et l’emplissaient d’un bourdonnement pieux. Comme ils avaient la grâce congrue, ils se jetaient vivement aux tentations de la chair. On les voyait au bal, au théâtre, poursuivant de leur zèle les belles pécheresses. Ils avaient chacun son œuvre particulière qui voulait les