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Page:Stern - Mes souvenirs, 1880.djvu/61

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Alfieri, dans ses Mémoires, raconte un accident tout semblable qui lui arriva en faisant avec son frère, auprès d’une cheminée, l’exercice à la Prussienne ; et, de même que moi, il en resta balafré.

Si je rapporte ici ces deux accidents, ce n’est pas, je prie qu’on m’en croie, pour le plaisir de m’égaler à un immortel ; c’est dans l’espoir de faire sortir de là une petite moralité à l’usage des mères de famille : n’avoir point de chenets pointus dans ses foyers, et ne pas mettre à la gêne, fût-ce dans une Minerve, les libres mouvements de l’enfance.

Cependant, un grand événement, un coup d’éclat de l’histoire, allait avoir son contre-coup dans ma petite existence.

Le retour des Bourbons n’y avait point apporté de changements. J’entendis beaucoup parler chez nous de l’usurpateur et des rois légitimes. On planta beaucoup de lis dans notre jardin. Je vis l’ordre du lys à la boutonnière de plusieurs petits garçons de notre voisinage. On me faisait lever à la messe pour le Domine salvum fac regem, tandis qu’auparavant nous restions obitsnément assis pendant le Domine salvum fac imperatorem. C’était là tout, et c’est à peine si je m’étais aperçue dans notre vie du Mortier que la France avait changé de régime. Il n’en fut pas de même un an après. Le départ et le retour des Bourbons eurent alors pour moi de sérieuses conséquences, comme on va voir.