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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/162

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le capitaine ; mais, comme je n’avois pas l’honneur d’être lié avec lui, il y a toute apparence qu’il ne me connoît pas. — Vous lui direz pourtant que celui qui vient de contracter tant d’obligations envers lui, et qui est touché de ses bontés comme il le doit, est un Lefèvre, lieutenant dans Angus. — Mais il ne me connoît pas, a-t-il répété, après avoir un peu rêvé. — Il se pourroit pourtant, a-t-il ajouté, que mon histoire… Je vous prie, dites au capitaine que je suis l’enseigne, dont la femme fut si malheureusement tuée à Bréda, d’un coup de mousquet qui l’atteignit dans la tente de son mari, comme elle reposoit dans ses bras.

» Avec la permission de monsieur, ai-je dit, je me rappelle très-bien cette histoire. — Vous vous la rappeliez, a-t-il dit en s’essuyant les yeux avec son mouchoir ; — jugez si je puis jamais l’oublier !

» En disant cela, il a tiré de son sein une petite bague, qui paroissoit attachée autour de son cou avec un ruban noir ; et il l’a baisée deux fois. — Voilà Billy, a-t-il dit. — L’enfant est accouru du bout de la chambre, et tombant à genoux, il a pris la bague et l’a baisée aussi. Ensuite il a embrassé son père ; il s’est assis sur le lit, et s’est mis à pleurer. »