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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/176

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mon oncle Tobie le mit dans une école publique, d’où il ne sortoit qu’au temps de Noël et à la Pentecôte, où mon oncle Tobie ne manquoit jamais de l’envoyer chercher par le caporal. — Il y demeura jusqu’à son dix-septième printemps. Mais alors les bruits de guerre, et les nouvelles de l’empereur qui faisoit marcher une armée contre les Turcs, enflammant son jeune courage, Lefèvre partit un beau jour sans congé ; et laissant là son grec et son latin, il alla se jeter aux genoux de mon oncle Tobie, lui demanda l’épée de son père, et le pria de lui laisser tenter la fortune des armes sous le prince Eugène. — Deux fois mon oncle Tobie oublia sa blessure, et s’écria : Lefèvre, j’irai avec toi, et tu combattras à mes côtés. — Deux fois il porta la main sur son aine, et laissa retomber sa tête avec l’air de l’abattement et du désespoir.

— Mon oncle Tobie descendit l’épée du clou où elle avoit été constamment suspendue depuis la mort du pauvre lieutenant. Il en porta la pointe près de son œil en soupirant, et la donna au caporal pour l’éclaircir. — Il retint Lefèvre quinze jours pour l’équiper, et pour régler son passage à Livourne. — Puis, en lui remettant son épée : « Si tu es brave, Lefèvre, dit mon oncle Tobie, elle