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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/224

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gauche, pour avoir traité Hélène de salope, en songeant à tous les maux dont elle avoit été cause ? Aucun de vous a-t-il versé plus de larmes pour Hector ? — Et quand le roi Priam venoit au camp des Grecs pour redemander le corps de son fils, et s’en retournoit en pleurant sans l’avoir obtenu, vous savez, frère, que je ne pouvois dîner.

Tout cela frère Shandy, annonçoit-il que je fusse cruel ? — Ou, parce que mon sang bouilloit à l’idée d’un camp, et que mon cœur ne respiroit que la guerre, falloit-il conclure que je ne pusse pas m’attendrir sur les calamités qu’elle entraîne ?

Ô frère ! pour un soldat, il est un temps pour cueillir des lauriers, et un autre pour planter des cyprès. (Eh ! d’où diable as-tu su, cher Tobie, que le cyprès étoit employé par les anciens dans les cérémonies funèbres ?)

Pour un soldat, frère Shandy, il est un temps, comme il est un devoir, de hasarder sa propre vie, — de sauter le premier dans la tranchée, quoique assuré d’y être taillé en pièces ; — puis, animé de l’esprit public, dévoré de la soif de la gloire, de s’élancer le premier sur la brêche, — de se tenir au premier rang, — et d’y marcher fièrement avec les enseignes déployées, au bruit des