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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/225

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tambours et des trompettes. — Il est un temps, ai-je dit, frère Shandy, pour se conduire ainsi ; — il en est un autre pour réfléchir sur les malheurs de la guerre, — pour gémir sur les contrées qu’elle ravage, — pour considérer les travaux et les fatigues incroyables, que le soldat lui-même qui exerce toutes ces horreurs est obligé de supporter, pour six sous par jour, dont il est souvent mal payé. —

Ai-je besoin, cher Yorick, que l’on me répète ce que vous m’avez déjà dit dans l’oraison funèbre de Lefèvre : — Qu’une créature telle que l’homme, si douce, si paisible, née pour l’amour, la pitié, la bonté, n’étoit pas taillée pour la guerre ? — Mais vous deviez ajouter, Yorick, que si la nature ne nous y a pas destinés, au moins la nécessité peut quelquefois nous y contraindre. — En effet, Yorick, qu’est-ce que la guerre ? — qu’est-ce surtout qu’une guerre comme ont été les nôtres, fondées sur les principes de l’honneur et de la liberté, — sinon les armes mises à la main d’un peuple innocent et paisible, pour contenir dans de justes bornes l’ambitieux et le turbulent ? — Quant à moi, frère Shandy, le ciel m’est témoin que le plaisir que j’ai pris à tout ce qui concerne la guerre,