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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/29

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la reine de Navarre. — Moustaches ! s’écria encore la reine, pouvant d’autant moins se persuader d’avoir bien entendu, qu’il s’agissoit d’un de ses pages qu’elle voyoit tous les jours. — Moustaches, répéta la Fosseuse une troisième fois. J’ose assurer votre majesté, continua la fille d’honneur, en prenant vivement l’intérêt du page, que dans toute la Navarre il n’y a pas aujourd’hui un cavalier qui possède une aussi belle paire… De quoi ? s’écria Marguerite en souriant. — De moustaches, dit la Fosseuse avec une modestie infinie.

Le mot tint bon, malgré l’usage indiscret que la Fosseuse venoit d’en faire ; et on continua de s’en servir dans la meilleure compagnie du petit royaume de Navarre.

La Fosseuse l’avoit déjà prononcé, non-seulement devant la reine, mais en plusieurs autres occasions à la cour ; et toujours avec un accent qui renfermoit quelque chose de mystérieux. Ce genre devoit parfaitement réussir à la cour de Marguerite, qui, dans ce temps-là, étoit, comme on sait, un mélange de galanterie et de dévotion. — Le mot moustaches fit donc une espèce de fortune, ou du moins il gagna justement autant qu’il perdit. — Le clergé fut pour lui, les