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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/303

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content. — Il entra aussi-tôt en conversation ; et tout en buvant chopine, il se mit à raconter à l’aubergiste comme quoi il étoit jardinier en chef du couvent des Andouillettes, etc. — et comment, par amitié pour madame l’abbesse et pour mademoiselle Marguerite, laquelle n’étoit encore qu’à son noviciat, il les avoit amenées depuis les frontières de la Savoie. — Comment madame avoit gagné une enflure au genou par l’excès de sa dévotion ; — et comment, lui jardinier, avoit fourni une légion d’herbes pour adoucir cette tumeur ; mais le tout en vain ; — et que, si les eaux de Bourbon ne guérissoient pas cette jambe, madame pourroit bien boiter de l’autre avant qu’il fût peu. —

Tandis que le muletier brochoit ainsi son histoire, il en oublioit l’héroïne, — et avec elle, la petite novice, — et avec la novice, les deux mules ; ce qui étoit pis que tout le reste.

Or, les mules sont des animaux qui n’ont pas été assez bien traités par leurs parens, pour se croire tenues à la reconnoissance envers le public. — Privées d’une faculté commune aux hommes, aux femmes et aux autres bêtes, ne pouvant s’acquitter envers la nature, ni se rendre utiles aux générations