Aller au contenu

Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je doute qu’en aucun temps de ma vie j’eusse pu me soumettre à un tel genre d’épreuves ; Mais ce tombeau des amans revenoit sans cesse à mon imagination. Je ne pouvois parler de Lyon, ou seulement y penser, — que dis-je ? je ne pouvois voir une étoffe de Lyon, sans que ce précieux monument de fidélité antique me revînt à l’idée. — Et j’ai souvent dit dans ma manière libre de m’exprimer(peut-être même avec quelque irrévérence) que ce tombeau, tout négligé qu’il étoit, me sembloit d’un aussi grand prix que celui de la Mecque, et même que la Santa Casa de Lorette, à la richesse près. — Je m’étois même promis, quoique je n’eusse aucune affaire à Lyon, de ne pas mourir sans avoir fait le pèlerinage. —

Ainsi, quoique sur la liste des choses que j’avois à voir à Lyon, cet article fût le dernier ; on peut voir qu’il n’étoit pas le moins intéressant pour moi. En ruminant ce projet dans ma tête, je fis donc dans ma chambre une douzaine ou deux d’enjambées plus longues que de coutume ; je descendis ensuite froidement dans la cour, dans le dessein de sortir : — Incertain si je retournerois à mon auberge, je demandai ma carte à l’hôte, je le payai ; je donnai, de plus, dix sous à