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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/73

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CHAPITRE. XV.

Méprise de ma mère.


Mon père avoit une manière à-peu-près semblable à celle de Job. — Je fais cette comparaison, d’après la persuasion religieuse où je suis qu’il a existé un très-saint et très-malheureux personnage du nom de Job. — Mais n’admirez-vous pas l’audace de ces petits incrédules, qui se trouvant embarrassés à fixer l’ère précise où ce grand homme a vécu, — ne sachant, par exemple, s’il faut le placer avant ou après les patriarches, — aiment mieux, pour trancher toute difficulté, décider qu’il n’a jamais existé ? Est-ce là un raisonnement ? C’est une barbarie ; c’est faire justement à autrui ce que nous ne voudrions pas qui nous fût fait. — Mais je reviens à la manière de mon père.

Quand les choses tournoient mal pour lui, et surtout dans le premier mouvement de son impatience, — pourquoi suis-je né ? s’écrioit-il. Eh ! que fais-je sur la terre ? Je voudrois être mort. — C’étoit-là ses moindres imprécations. — Mais quand sa peine devenoit excessive, et qu’elle passoit toute mesure,